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Non expurgé : Le contrat caché de l’UE avec Pfizer-BioNTech

Une récente décision de justice exigeant la divulgation des contrats d’achat du vaccin sud-africain Covid-19 a suscité l’émoi dans les médias sociaux et fait naître l’espoir que certaines des clauses secrètes offrant une protection spéciale aux fabricants pourraient enfin être révélées. Le député roumain au Parlement Européen Cristian Terhes, qui critique depuis longtemps Ursula von der Leyen et la Commission Européenne pour avoir publié des versions lourdement expurgées des contrats d’approvisionnement de l’UE, a salué la décision dans un tweet comme une « grande victoire pour la transparence et la responsabilité », soulignant en particulier l’inclusion du contrat « Pfizer », très important, parmi les documents à divulguer.

Mais pourquoi cet engouement ? Le contrat d’achat de l’UE, ou Advanced Purchase Agreement (APA), conclu avec le consortium composé de Pfizer et de la société allemande BioNTech est disponible en ligne sous forme non expurgée depuis plus de deux ans maintenant : depuis, plus précisément, avril 2021, peu de temps après le lancement du vaccin. Il contient en effet des clauses qui font dresser les cheveux sur la tête et qui auraient sans aucun doute suscité une opposition massive et une « hésitation vaccinale » si elles avaient été plus largement connues.

Prenons par exemple la clause suivante, tirée de l’article 1, paragraphe 4, du bon de commande du vaccin annexé à l’APP : « L’État Membre Participant reconnaît en outre que les effets à long terme et l’efficacité du vaccin ne sont pas connus à l’heure actuelle et que le vaccin peut avoir des effets indésirables qui ne sont pas connus à l’heure actuelle » (voir le paragraphe complet ci-dessous). Combien d’Européens se seraient empressés de se faire vacciner ou auraient même consenti à le faire s’ils avaient su cela ?

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Mais ils ne le savaient pas. Voici en effet à quoi ressemble le même paragraphe dans la version expurgée de l’APA publiée par la Commission Européenne.

A screenshot of a computer

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Cette clause de ‘Reconnaissance’ dans le bon de commande – reconnait en fait, que les fabricants ne savaient, ni si le vaccin était sûr, ni s’il était efficace, en tout cas à long terme – s’ajoute aux clauses qui prévoient déjà une indemnisation très large des fabricants dans la section sur l’indemnisation du contrat proprement dit. Voir, par exemple, l’extrait de l’article I.12.1 ci-dessous.

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Traduction de la partie surlignée :

« Par conséquent, chaque État Membre Participant doit indemniser et dégager de toute responsabilité, le contractant, ses affiliés, sous-traitants, concédants et sous-licenciés, ainsi que les dirigeants, administrateurs, employés et autres agents et représentants de chacun d’entre eux (l’ensemble appelé, les « Personnes Indemnisées »), pour toutes les obligations encourues conformément à l’article I.12.6, et pour les coûts juridiques externes directs raisonnables encourus pour la défense des réclamations de tiers (y compris les honoraires raisonnables d’avocats et autres dépenses) relatives aux dommages, préjudices et pertes tels que définis à l’article I.12.2 (l’ensemble appelé, les « Pertes »), découlant de ou liés à l’utilisation et au déploiement des vaccins dans la juridiction de l’État Membre Participant en question. »

Le « contractant », tel que spécifié sur la première page de l’APA, se réfère collectivement à Pfizer et BioNTech.

Voici à quoi ressemble le même passage dans la version expurgée du contrat publié par la Commission Européenne.

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Voici à quoi ressemble la page complète.

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Et la page suivante.

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En fait, à l’exception de la première phrase, toute la section relative à l’indemnisation, qui couvre près de trois pages entières de texte, a été expurgée dans la version de l’APA publiée par la Commission. Voir les pages 24-26 ici.

Ce sont ces expurgations importantes qui ont retenu l’attention de Cristian Terhes et d’autres membres critiques du Parlement Européen à l’égard des vaccins. Prenant à partie Ursula von der Leyen et la Commission pour leur manque de transparence, Terhes a pris l’habitude de brandir théâtralement des pages noircies du contrat lors des sessions plénières. (Voir ici, par exemple, en octobre 2022)

Mais si la version non expurgée était de toute façon disponible, pourquoi Terhes et ses collègues n’y ont-ils pas également fait référence, c’est-à-dire au contenu réel des passages cachés ? Et pourquoi l’APA non expurgé et les dispositions manifestement explosives qu’il contient n’ont-ils pas été mieux connus ?

Cristian Terhes et les autres députés européens devront répondre eux-mêmes à la première question. S’ils n’étaient pas au courant de la disponibilité du document non expurgé, ils en ont été informés en septembre 2022, c’est-à-dire par le présent auteur dans un tweet-réponse à Cristian Terhes, auquel Terhes a répondu à son tour.

Mais la réponse à la dernière question – pourquoi l’existence de l’APA non expurgé n’a pas été mieux connue – est peut-être plus intrigante et semble avoir quelque chose à voir avec la forme de censure furtive ou de « filtrage de la visibilité » qui est depuis devenue la norme précisément sur Twitter.

Ainsi, en juillet 2022, après être tombé par hasard sur le contrat non expurgé, j’ai posté un fil de discussion à son sujet sur Twitter, qui est rapidement devenu quelque peu viral selon les normes d’un petit compte, recueillant des centaines de retweets et de likes et finalement, selon les propres mesures de Twitter, un peu plus de 100 000 impressions. J’ai commencé le fil de discussion par la même reconnaissance de l’efficacité et de l’innocuité inconnues du vaccin que celle soulignée ci-dessus.

Le 11 septembre 2022, j’ai cité ce fil de discussion dans le tweet-réponse susmentionné à Cristian Terhes et lui ai demandé pourquoi il montrait des copies expurgées des contrats de l’UE alors que les documents non expurgés étaient disponibles. La réponse de Terhes a été de remettre en question l’authenticité du document non expurgé. ‘Personne ne peut confirmer que ces versions non expurgées étaient vraies’, a-t-il écrit.

Mais le contrat Pfizer-BioNTech ne circule pas juste mystérieusement sur le web ou n’a pas été publié par un obscur site web conspirationniste. Il a été publié par le radiodiffuseur public italien RAI. La RAI est l’équivalent italien de la BBC.

L’article original de la RAI du 17 avril 2021, intitulé « Voici les contrats « secrets » de Pfizer et Moderna pour les vaccins anti-covid », est disponible ici. L’article contient des liens vers les contrats Pfizer-BioNTech et Moderna.

Le contrat Pfizer-BioNTech est depuis lors disponible sur le serveur de la RAI ici. (Attention, lorsque j’ai tweeté le contrat pour la première fois en juillet 2022, il est devenu temporairement indisponible, peut-être parce que le trafic résultant était plus important que ce que le serveur pouvait supporter)

En outre, quatre jours après la publication de l’article de la RAI, le 21 avril, le quotidien espagnol La Vanguardia, troisième journal d’Espagne en termes de lecteurs, a également annoncé qu’il était entré en possession du contrat Pfizer-BioNTech non expurgé – sans doute simplement en le téléchargeant à partir du site web de la RAI ! – et a publié un article intitulé « Le contrat avec la Commission Européenne exonère Pfizer de toute responsabilité ».

Bien que, contrairement à la RAI, La Vanguardia n’ait pas publié le contrat en tant que tel, elle a publié des photos de certaines pages, y compris une photo de la première page de la section sur l’indemnisation que j’ai soulignée ci-dessus, qu’elle a également comparée à la version expurgée publiée par la Commission.

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Le même jour, l’agence Reuters a également publié un article sur la fuite du contrat, citant le scoop de La Vanguardia (même si le scoop était en fait celui de la RAI). Reuters a toutefois discrètement évité de mentionner la question de l’indemnisation, se contentant de se concentrer sur le prix du vaccin. (Voir « Une fuite du contrat UE-Pfizer montre que le prix des vaccins COVID est fixé à 15,5 euros par dose » ici)

Pour trois grands médias européens, la RAI, La Vanguardia et Reuters, l’authenticité du document n’a donc pas été mise en doute lorsqu’il est apparu pour la première fois en avril 2021 – et avant qu’il ne tombe à nouveau dans l’oubli. Entre-temps, Norman Fenton est également tombé sur le bon de commande susmentionné de l’APA par le biais d’une Demande d’Accès à l’Information slovène, apportant ainsi une confirmation supplémentaire de l’authenticité du document, à supposer qu’elle soit vraiment nécessaire.

Mais ce qui est particulièrement curieux dans mon interaction sur Twitter avec Cristian Terhes, c’est ce qui s’est passé après. Presque immédiatement après avoir signalé l’APA non expurgé en réponse au tweet de Cristian Terhes, mon compte Twitter a été frappé d’un « shadow ban » (traduit ‘interdiction fantôme’). Voici à quoi ressemblaient les résultats de mon test de « shadow ban » le lendemain.

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À l’époque, sous l’ancien régime de Twitter, le fait d’être « shadow-banni » était encore une sorte de statut, qui pouvait être facilement et précisément vérifié par des tests de shadow-ban en ligne (ou même par les utilisateurs eux-mêmes en recherchant leurs propres tweets lorsqu’ils étaient déconnectés de leurs comptes).

En outre, d’autres utilisateurs de Twitter m’ont fait savoir qu’ils n’étaient pas en mesure d’aimer ou de retweeter ma réponse. Voir ci-dessous, par exemple. Des commentaires similaires ne sont plus disponibles depuis que Twitter a suspendu définitivement le compte de l’auteur.

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Cette situation n’est pas inhabituelle en soi. On se souviendra que les tweets qualifiés de « trompeurs » sous l’ancien régime ne pouvaient être ni aimés ni retweetés. Mais en quoi mon tweet était-il « trompeur » ? Et, plus précisément, il n’était pas étiqueté comme tel. Néanmoins, il semblait – subrepticement – être soumis à des restrictions similaires.

Par la suite, l’engagement de mes tweets de réponse citant le fil de discussion s’est effondré en général, réapparaissant occasionnellement, mais toujours à moins de la moitié du niveau précédent, avant de suivre une tendance à la baisse pour devenir essentiellement, et apparemment de façon permanente, inexistant sous le nouveau régime de Twitter. Le graphique ci-dessous de l’engagement pertinent (likes retweets) avant et après la date de l’interaction avec Terhes illustre cela. Il n’inclut que les tweets dans lesquels j’ai utilisé le mot « unredacted » (non expurgé).

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La restriction de l’engagement reste une pratique courante sur le nouveau Twitter/ »X », comme l’admet volontiers Linda Yaccarino, PDG de « X », et comme le montre l’extrait ci-dessous du ‘Centre d’aide’ de « X  » sur le ‘niveau de mise en vigueur des tweets’. En effet, les mesures prises pour supprimer la visibilité des tweets semblent plus étendues aujourd’hui que sous l’ancien régime. (Les tweets « trompeurs » peuvent être cités, par exemple)

A screenshot of a social media post

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Mais contrairement à l’ancien Twitter qui, en règle générale, informait les utilisateurs des mesures prises à l’encontre d’un tweet donné, « X » ne rend plus ce fait public.

Il est intéressant de noter que le ‘Centre d’aide’ reconnaît également qu’une telle action peut être entreprise en réponse à une « demande légale valide émanant d’une entité autorisée dans un pays donné ». Qui sait ce qu’est une « demande légale valable » ? Mais on peut supposer que la Commission Européenne ferait partie de ces « entités autorisées », d’autant plus qu’elle est désignée comme le régulateur ultime de la liberté d’expression en ligne, en vertu de la loi sur les services numériques de l’Union Européenne. (Voir, par exemple, ici, ici et ici)

Quoi qu’il en soit, la partie qui a le plus intérêt à supprimer l’APA non expurgé est, bien entendu, celle qui a expurgé le document en premier lieu : la Commission Européenne. Il n’est pas difficile d’imaginer pourquoi la Commission voudrait, pour ainsi dire, le « re-cacher ».

L’ancien Twitter a-t-il limité la visibilité de l’APA non expurgé en réponse à une demande des autorités européennes ? Le nouveau Twitter/ »X » continue-t-il à le faire aujourd’hui ?

Publié à l’origine par l’Institut Brownstone

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