Prostestation des agriculteurs irlandais contre les projets d’abattage de bétail pour atteindre les objectifs climatiques
Les agriculteurs irlandais protestent contre les propositions de leur gouvernement qui projette d’abattre du bétail – jusqu’à 200 000 têtes – en vue d’atteindre les objectifs nationaux et européens en matière de réduction des émissions de méthane.
Selon le quotidien irlandais The Independent, jusqu’à 65 000 vaches laitières et 10 % du bétail devront être retirés du cheptel national chaque année pendant trois ans, pour un coût de 200 millions d’euros (215,2 millions de dollars), afin que le secteur agricole « atteigne ses objectifs climatiques ».
Ces chiffres proviennent d’un document du gouvernement irlandais que l’Independent a obtenu à la suite d’une demande d’accès à l’information.
Les objectifs climatiques nationaux en question comprennent une réduction de 51 % des émissions d’ici à 2030 – l’année cible pour les objectifs de développement durable des Nations unies – et la neutralité carbone d’ici à 2050.
Selon un autre quotidien irlandais, l’Irish Mirror, un objectif de réduction des émissions de 25 % a été fixé pour le secteur agricole d’ici à 2030.
Le document du gouvernement propose que les agriculteurs reçoivent une compensation pouvant aller jusqu’à 5 000 euros (5 381 dollars) pour chaque vache abattue.
Selon Remix News, les plans ont été présentés pour la première fois en 2021. À l’époque, un rapport recommandait d’abattre jusqu’à 1,3 million de bovins pour ramener les émissions à des niveaux « durables ».
L’Irlande compte environ 2,5 millions de vaches laitières et de bovins, selon les dernières statistiques de juin sur le cheptel irlandais. Parmi elles, 1,6 million sont des vaches laitières – soit une augmentation de 40 % au cours de la dernière décennie – tandis que les vaches à viande sont au nombre de 913 000, ce qui représente une baisse de 17 % sur la même période, selon l’Irish Mirror.
Par ailleurs, l’Agence irlandaise de protection de l’environnement (EPA) a publié en mars un rapport de 115 pages qui recommande « une réduction efficace des émissions du bétail … d’environ 30 %, ainsi qu’une réduction du nombre de ruminants pouvant aller jusqu’à 30 %. »
Selon l’EPA, le secteur agricole du pays est directement responsable de près de 38 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, comme le rapporte l’Irish Mirror.
Un rapport publié en octobre 2022 par le Food Vision Dairy Group du gouvernement irlandais – créé pour « identifier les mesures que le secteur laitier peut prendre pour contribuer à la stabilisation puis à la réduction des émissions » – indique qu’il est « urgent de s’attaquer aux impacts environnementaux négatifs associés à l’expansion du secteur laitier ».
Le rapport indique que les producteurs laitiers pourraient perdre entre 1 770 euros (1 906 dollars) et 2 910 euros (3 134 dollars) par vache supprimée.
L’Irlande, ainsi que d’autres États membres de l’UE et les États-Unis, participent au « Global Methane Pledge » de 2021, et par là s’engagent à « accepter de prendre des mesures volontaires pour contribuer à un effort collectif visant à réduire les émissions mondiales de méthane d’au moins 30 % par rapport aux niveaux de 2020, d’ici à 2030 ».
Parmi les organisations qui soutiennent le Global Methane Pledge figurent le Programme des Nations unies pour l’environnement, la Banque européenne d’investissement, la Global Dairy Platform, le Fonds vert pour le climat, l’Agence internationale de l’énergie et Bloomberg Philanthropies.
Bloomberg Philanthropies est l’un des principaux bailleurs de fonds de l’initiative Good Food Cities Accelerator du groupe C40, dont les villes signataires s’engagent à adopter un « régime alimentaire sain pour la planète » d’ici à 2030, défini par une plus grande quantité d’aliments d’origine végétale et une diminution de la viande et des produits laitiers.
Le C40 a fusionné avec la Clinton Climate Initiative en 2006 et a déclaré qu’en 2020, les villes devraient « reconstruire en mieux (Build Back Better) ».
Par ailleurs, les États membres de l’UE examinent des propositions visant à « réduire la pollution et les émissions de gaz à effet de serre provenant du bétail« , selon Reuters.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement et la Coalition pour le climat et l’air pur affirment que les émissions provenenant de l’élevage de bovins représentent environ 30 % des émissions totales de méthane.
Les propositions de diminution du cheptel : une « folie absolue«
L’article de l’Independent a suscité une réaction immédiate en Irlande, en particulier de la part du secteur agricole. Le gouvernement irlandais a alors décidé de revenir sur son rapport.
Selon l’Irish Mirror, un porte-parole du ministère irlandais de l’agriculture a déclaré que le rapport en question « faisait partie d’un processus de délibération … et seulement l’un d’un certain nombre de documents de modélisation » qu’il est en train d’examiner et « qu’il ne constituait pas une décision de politique finale ».
Pat McCormack, président de l’Irish Creamery Milk Suppliers Association (Association irlandaise des producteurs de laits et produits laitiers), a déclaré à Newstalk Breakfast que le « cheptel irlandais n’est pas plus important qu’il ne l’était il y a 25 ou 30 ans ».
Il a ajouté que le secteur agricole était prêt à suivre l’orientation stratégique du gouvernement irlandais, mais que « s’il y avait un programme, celui-ci devait être volontaire ».
S’adressant au Parlement irlandais le 30 mai, Peadar Tóibín, chef du parti politique Aontú, a critiqué les propositions du gouvernement, les qualifiant de « menace incroyable pour le secteur agricole, pour un coût d’environ 600 millions d’euros (646,9 millions de dollars) ».
M. Tóibín a déclaré :
« 25 % du bœuf importé dans l’Union européenne provient désormais du Brésil. En quoi est-il écologique de dévaster de larges pans de l’Amazonie, d’importer ce bœuf du Brésil pour remplacer le bœuf irlandais abattu dans ce pays ? »
Un membre du Parlement irlandais, Michael Healy-Rae, a qualifié les propositions du gouvernement de « folie absolue » et a averti que de nombreux agriculteurs refuseraient de s’y conformer ou choisiraient de quitter le secteur si ces plans étaient mis en place.
Tim Cullinan, président de l’Association des agriculteurs irlandais, a déclaré au Telegraph: « De tels rapports ne font que renforcer l’idée que le gouvernement travaille en coulisse pour saboter notre secteur laitier et nos élevages « .
« S’il est vrai que certains agriculteurs souhaitent quitter le secteur, nous devrions tous nous efforcer d’offrir à la prochaine génération la possibilité de se lancer dans l’agriculture », a-t-il ajouté.
Ian Plimer, professeur émérite de géologie à l’université de Melbourne, a déclaré à Sky News Australia que l’abattage de 200 000 têtes de bétail ne pouvait qu’aboutir à un désastre.
« Les Irlandais en savent quelque chose grâce à la Grande famine. « Un tiers de leur population est mort, un tiers a émigré, et la même chose se reproduira. Ils perdront leurs personnes productives ; elles iront ailleurs. »
Le propriétaire et PDG de Twitter, Elon Musk, s’est également exprimé sur la controverse, en tweetant : « Il faut vraiment que cela cesse. Tuer quelques vaches n’a pas d’incidence sur le changement climatique. »
L’auteur et agriculteur britannique Jamie Blackett a écrit : « Il semble de plus en plus évident qu’il existe un programme éco-moderniste visant à supprimer complètement la viande conventionnelle. Il n’y a pas que les membres d’Extinction Rebellion; de nombreux hommes politiques du monde entier sont également de la partie. »
Un rapport datant d’août 2022 suggère que « les insectes pourraient bientôt figurer au menu en Irlande » et que « les insectes à haute teneur protéinique en tant que substituts à la viande et aux produits laitiers pourraient contribuer à sauver la planète ».
Selon un rapport de l’Independent, une réduction de 10 % du cheptel laitier irlandais coûterait 1,3 milliard d’euros (1,4 milliard de dollars) par an, tandis que les experts du secteur affirment que de telles propositions entraîneraient une augmentation des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial.
Selon Agriland, l’Irlande a importé plus de 14 000 tonnes de bœuf au cours du premier trimestre de cette année, tandis qu’elle en a exporté pour 2,5 milliards d’euros (2,69 milliards de dollars) en 2022, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2021, ce qui a probablement contribuer à une augmentation des émissions.
Le rapport d’octobre 2022 du Food Vision Dairy Group « sur les mesures visant à atténuer les émissions de gaz à effet de serre du secteur laitier » indique :
« L’empreinte carbone de l’Irlande par unité de production est considérée comme la plus faible des pays producteurs de lait. Il est également noté que l’empreinte carbone par unité de production a diminué au cours de ces dernières années. »
Cependant, un rapport d’Euronews datant d’août 2022 affirmait que l’Irlande « a les émissions de méthane par habitant les plus élevées de tous les États membres de l’UE, dont une grande partie est due à la production de viande bovine ».
Le rapport du Food Vision Dairy Group indique également :
« Une fois que les émissions de méthane seront stabilisées et le resteront, la concentration atmosphérique se stabilisera.
« Les émissions devraient être réduites d’environ 3 % par décennie ou compensées par l’élimination du dioxyde de carbone, qui a un impact similaire sur le climat. Cela neutraliserait son impact sur la température mondiale. Il n’y a donc aucune base scientifique qui exige que les émissions provenant de la fermentation entérique soient réduites à zéro.
Le groupe a déclaré qu’il se concentrait sur les mesures que le secteur laitier devra prendre pour apporter sa « contribution proportionnée » à l’objectif de réduction de 25 % des émissions agricoles.
Le rapport contient plusieurs autres propositions, notamment la réduction de l’utilisation de l’azote chimique dans le secteur laitier de 27 à 30 % d’ici à la fin de 2030, et un « plan de sortie/réduction volontaire ».
Alors que ces propositions sont présentées, d’autres rapports indiquent que l’utilisation de jets privés « monte en flèche » en Irlande. La sénatrice irlandaise Lynn Boylan a récemment déclaré à ce sujet :
« Les défenseurs de la justice climatique affirment depuis longtemps que toutes les émissions de carbone ne sont pas égales. Jusqu’à présent, l’approche du gouvernement a consisté à punir les gens ordinaires tandis que les riches sont exemptés et peuvent continuer à mener un style de vie à forte intensité carbonique. »
Dans un article d’opinion paru en mai dans Agri-Times Northwest, l’agriculteur et agronome Jack DeWitt a critiqué les propositions de réduction de cheptel, affirmant qu’elles s’appuient sur des données scientifiques erronées :
« Vous avez certainement entendu dire que les bovins qui vivent toute leur vie dans les pâturages (c’est-à-dire le bœuf nourri à l’herbe) émettent moins de méthane. Ce n’est pas vrai.
« L’impact du bétail sur le méthane aux États-Unis est nettement inférieur à ce qu’il était il y a 50 ans et continue de diminuer en raison des gains d’efficacité dans la production de viande bovine et de lait … Le nombre de bovins de boucherie a diminué de 6 % depuis 1970, mais la production de viande à partir de ces bovins a augmenté de 25 %, en partie en raison d’un poids plus important à l’abattage, rendu possible par l’élevage d’animaux présentant des taux de croissance plus élevés et une meilleure efficacité alimentaire. Il faut s’attendre à ce que ces tendances en matière d’efficacité se poursuivent.
M. De Witt ajoute : « Certains veulent éliminer un milliard de bovins et convertir les gens au végétalisme. Mais les humains rejettent aussi du méthane, et un régime végétalien en multiplie la quantité par deux ». Selon lui, les agriculteurs peuvent également piéger le méthane et l’utiliser pour produire de l’électricité.
Gates, un investisseur majeur dans les programmes de réduction du méthane
Des propositions similaires, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur agricole ont également déclenché des protestations d’agriculteurs dans d’autres pays.
Selon AgDaily, le gouvernement néerlandais « prévoit de réduire les émissions d’oxyde d’azote et d’ammoniac de 50 % d’ici à 2030 », ce qui menace la viabilité de nombreuses exploitations agricoles. Le gouvernement néerlandais « s’attend à ce qu’environ un tiers des 50 000 exploitations néerlandaises disparaissent d’ici 2030″ et a proposé un programme de rachat « volontaire » des exploitations et des stocks de bétail.
Ces plans ont donné lieu à des manifestations de grande ampleur de la part des agriculteurs néerlandais au début de l’année et ont entraîné des pertes électorales importantes pour la coalition gouvernementale du Premier ministre Mark Rutte et des gains significatifs pour le Mouvement des agriculteurs citoyens lors des élections provinciales du mois de mars.
Néanmoins, la Commission européenne a récemment approuvé deux projets du gouvernement néerlandais de rachat d’élevages.
Selon AgDaily, ces plans, d’une valeur de 1,47 milliard d’euros (1,65 milliard de dollars), visent à « réduire les émissions d’azote et à atteindre les objectifs environnementaux de l’UE ». Les agriculteurs se verront offrir une compensation financière pour cesser leur activité et vendre volontairement leurs animaux ».
Des manifestations d’agriculteurs ont également eu lieu en Belgique en mars, à la suite des plans introduits par le gouvernement flamand pour réduire les émissions du secteur agricole.
Un rapport commandé en 2022 par le secteur agricole d’Irlande du Nord suggère que plus de 500 000 bovins et environ 700 000 ovins devraient être abattus pour atteindre les objectifs climatiques de la région.
En octobre 2022, le gouvernement néo-zélandais « a annoncé son intention d’imposer aux agriculteurs une taxe sur les émissions de leur bétail… afin d’atteindre les objectifs climatiques », selon Popular Science, le programme devant entrer en vigueur d’ici 2025.
Cette proposition a été accueillie avec une légère opposition par Ermias Kebreab, directeur du UC Davis World Food Center, qui a déclaré à Popular Science : « Le fardeau doit être partagé par la société et pas seulement par les agriculteurs qui travaillent déjà avec de petites marges de bénéfice. »
Le « partage du fardeau » par la société peut impliquer une réduction de la consommation de viande, un point de vue qui a été expliqué plus en détail dans un article d’opinion publié le 24 mars par l’agence Reuters et rédigé par la chroniqueuse Karen Kwok.
Mme Kwok écrit : « La guerre contre le dégazage bovin est une tâche nauséabonde mais nécessaire dans la lutte contre le changement climatique. » Selon elle, si le prix de la viande augmente, « cela comblera le fossé avec les hamburgers et les steaks d’origine végétale, qui coûtent aujourd’hui deux fois plus cher que ceux d’origine animale », ce qui dissuadera les consommateurs « d’acheter des côtelettes et des saucisses et d’opter pour des solutions moins gourmandes en carbone », a-t-elle ajouté.
En janvier, la société laitière française Danone a annoncé qu’elle envisageait de placer des masques sur les vaches pour piéger leurs rots et réduire les émissions de méthane, tandis que Danone envisage également de forcer les vaches à porter des couches pour piéger leurs flatulences. Un agriculteur a déclaré à Fox News que ce projet était « de la folie pure » et que ceux qui proposaient de telles idées étaient « bons pour l’asile « .
Bill Gates a récemment réalisé des investissements très médiatisés dans des start-ups et des technologies censées réduire les émissions de méthane dans le secteur agricole.
En janvier, il a annoncé un investissement dans la start-up australienne Rumin8, qui développe un aliment à base d’algues pour réduire les émissions de méthane que les vaches produisent « par leurs rots et, dans une moindre mesure, par leurs pets », a rapporté CNN.
En mars, la Fondation Bill et Melinda Gates a accordé 4,8 millions de dollars à Zelp (Zero Emissions Livestock Project), une entreprise qui développe des masques pour le bétail qui capturent le méthane émis par les rots des animaux et le convertissent en dioxyde de carbone.
Dans un entretien accordé au quotidien Cowboy State Daily en mars, Brett Moline, directeur des affaires publiques et gouvernementales de la Wyoming Farm Bureau Federation, a qualifié la proposition de masque facial de « l’une des idées les plus farfelues dont j’aie jamais entendu parler ».
Le Daily Mail, citant l’Associated Press, note que M. Gates est considéré comme le plus grand propriétaire privé de terres agricoles aux États-Unis, ayant « discrètement amassé » près de 270 000 acres.
Ces propositions pourraient toutes être liées au concept de « One Health » (Une Seule Santé) promu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« Ce concept, qui figure en bonne place dans le traité sur les pandémies et les amendements au règlement sanitaire international actuellement en cours de négociation, appelle à une surveillance mondiale afin de détecter les maladies potentielles susceptibles de passer de l’animal à l’homme.
Lors de la récente Assemblée mondiale de la santé, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a mis en garde contre une future pandémie qui pourrait être suscitée par un pathogène zoonotique.
Publié à l’origine par The Defender
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