Les agriculteurs protestataires obtiennent de grandes concessions, mais les dirigeants de l’UE s’entêtent à vouloir atteindre l’objectif « zéro carbone »
Après les manifestations d’agriculteurs à Bruxelles la semaine dernière, les dirigeants de la Commission européenne ont annoncé des concessions visant à alléger le fardeau des réductions de gaz à effet de serre pour les agriculteurs, mais ont maintenu le cap sur les plans de réduction de 90 % des émissions d’ici à 2040.
À la suite des manifestations organisées à Bruxelles la semaine dernière par des agriculteurs de toute l’Union européenne (UE), la Commission européenne a fait quelques concessions au secteur agricole, mais a déclaré qu’elle ne reviendrait pas sur son plan visant à réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2040, a rapporté Reuters mardi.
Le nouveau plan de la Commission ne prévoit pas de réduire d’un tiers les émissions liées à l’agriculture, telles que l’azote, l’oxyde nitreux et le méthane, et supprime la recommandation selon laquelle les citoyens de l’UE devraient manger moins de viande, a rapporté The Telegraph.
Mardi, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a également proposé d’abandonner sa proposition exigeant des agriculteurs qu’ils réduisent de moitié l’utilisation des pesticides d’ici 2030, déclarant qu’elle était devenue « un symbole de polarisation », selon The Guardian.
D’autres concessions incluent la limitation des importations agricoles ukrainiennes et le report des règles visant à mettre en réserve davantage de terres pour promouvoir la santé des sols et la biodiversité.
A la demande du Parti populaire européen (centre-droit) de Mme von der Leyen, le plan révisé de la Commission contient un langage louant la valeur du secteur agricole, notant son importance pour atteindre l’objectif de souveraineté alimentaire de l’UE, a écrit Politico.
Ce compromis intervient après des semaines d’escalade des manifestations d’agriculteurs en France, en Espagne, en Allemagne, au Portugal, en Italie, en Pologne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Lituanie et dans d’autres pays de l’UE contre plusieurs politiques – des subventions aux carburants aux pratiques commerciales déloyales en passant par les règles et les taxes sur les émissions vertes – qui, selon eux, menacent leurs moyens de subsistance.
Selon le Washington Examiner, les agriculteurs affirment que les réglementations climatiques les ont injustement ciblés, leur imposant un fardeau disproportionné par rapport à d’autres industries qui nuisent également à l’environnement.
Au cours des dernières semaines, les tracteurs de plusieurs villes européennes ont bloqué les principales autoroutes et rues de la ville, et même un aéroport, forçant les gouvernements nationaux à s’asseoir à la table des négociations avant le sommet du Parlement européen qui s’est tenu à Bruxelles la semaine dernière.
Le mois dernier, la coalition du chancelier allemand Olaf Scholz a accepté de ne pas supprimer un abattement fiscal sur les nouveaux véhicules agricoles et de supprimer progressivement les subventions sur le diesel agricole.
En France, le gouvernement du Premier ministre Gabriel Attal a augmenté en janvier les subventions aux éleveurs, retiré son projet d’augmentation de la taxe sur les carburants, promis de définir clairement la viande produite en laboratoire, interdit l’importation d’aliments cultivés avec un pesticide néonicotinoïde déjà interdit dans le pays et suspendu son plan de réduction des pesticides.
Malgré les concessions, les manifestations se poursuivent
Malgré les concessions déjà faites, et alors que les membres de la Commission européenne ont publié des déclarations en faveur des agriculteurs et de leur situation difficile, les agriculteurs de nombreux pays européens continuent de protester à l’approche des élections européennes de juin.
En Espagne, les agriculteurs ont bloqué cette semaine les principaux axes routiers dans les grandes villes et leurs environs dans le cadre d’une série de manifestations, et un lobby agricole a qualifié le débat sur l’UE de « jeu des responsabilités ».
Les agriculteurs italiens se rassemblent à Rome pour protester contre les importations bon marché en provenance de pays tiers, avec des banderoles portant des slogans tels que « Pas d’agriculteur, pas de nourriture ».
Des dizaines d’organisations d’agriculteurs grecs ont voté mardi en faveur d’une descente sur Athènes avec leurs tracteurs, bloquant les autoroutes pour obtenir des concessions de la part du gouvernement. Il s’agit notamment d’accélérer la reconstruction après les graves inondations de septembre dernier en Thessalie, le cœur de la production agricole grecque.
Même les agriculteurs croates envisagent de se joindre aux actions menées à l’échelle de l’UE, en invoquant les politiques vertes et les accords commerciaux.
« Nous pensons que nous sommes d’accord avec les demandes qui sont discutées lors des manifestations dans l’UE et qu’elles concernent des problèmes auxquels toute l’UE est confrontée », a déclaré Mladen Jakopović, président de la Chambre croate de l’agriculture, mardi.
Les dirigeants européens espèrent étouffer les protestations des agriculteurs dans les mois qui précèdent les élections du Parlement européen en juin, car ils craignent que les troubles n’entraînent une vague de candidats populistes moins enclins à mettre en œuvre les mesures relatives au climat.
Les politiques climatiques de l’UE restent largement inchangées
Les récents aménagements proposés par la Commission européenne aux agriculteurs n’ont pas modifié son objectif global d’atteindre la neutralité climatique (net zéro) d’ici 2050, ni ses objectifs intermédiaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 et de 90 % d’ici 2040, d’après Politico.
Wopke Hoekstra, commissaire européen chargé de l’action pour le climat, a annoncé ces objectifs mardi lors de la réunion du Parlement européen à Strasbourg.
Le porte-parole du Parti populaire européen, Peter Liese, a déclaré lundi que le soutien de son parti à ces objectifs dépendait de l’accent mis sur les « opportunités positives » pour les agriculteurs et moins sur les « nouveaux instruments qui considèrent plutôt les agriculteurs comme des ennemis de la politique climatique ».
Les recommandations de la Commission ne sont pas encore des lois, que la prochaine Commission examinera après les élections européennes de cet été. Le Parlement européen et les États membres de l’UE devront se mettre d’accord avant que ces propositions ne soient gravées dans le marbre.
Les recommandations relatives aux objectifs climatiques interviennent alors que le gouvernement allemand, après avoir mis au rebut ses réacteurs nucléaires, a annoncé le mois dernier son intention de consacrer des milliards à de nouvelles centrales au gaz afin de garantir la sécurité énergétique à long terme.
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